Adolf Tandefelt (1747 - 1822), premier vice-président du Département de la Justice du Conseil de Régence. Peinture par C.F. Breda, cour d’appel de Turku. Photo : Ulla Roine.

Historique

Heikki Pihlajamäki

Évolution de la juridiction suprême en Finlande : du Département de la Justice du Conseil de régence à une juridiction suprême indépendante

La Cour suprême fut instaurée en 1918, mais son histoire remonte bien plus loin dans l’histoire. En Europe, la création de cours supérieures commence à la fin du Moyen-Âge et au début des temps modernes, au moment où le pouvoir politique se concentre de plus en plus entre les mains des rois. Les premières cours supérieures en Suède furent les cours d’appel (hovrätt), destinées à l’origine à exercer le pouvoir juridictionnel du roi, la première étant la Cour d’appel de Svea, créée en 1614. Dans la pratique, ces cours d’appel ont perdu leur rôle de juridiction suprême pour devenir un degré intermédiaire, du fait que par tradition, le peuple faisait toujours appel au roi. La première véritable Cour suprême de Suède vit le jour en 1789.

Après la cession de la Finlande à la Russie en 1809 et la formation du Grand-Duché de Finlande, les liens avec la Suède devinrent caducs et les attributions de la Cour suprême furent confiées au Département de la Justice du Conseil de Régence (le Sénat impérial de Finlande à compter de 1816). Le Département de la Justice jouait un rôle important dans le développement du droit, surtout pendant la première moitié de l’époque de l’Autonomie, les états n’ayant pas été réunis en Diète pendant toute cette période. La fonction du président du Département de la Justice était assumée par le Gouverneur général.

Dans la vieille Europe, la théorie de la répartition tripartite n’était pas connue. Lors des Assemblées plénières, les sénateurs du Département de la Justice exerçaient également le pouvoir exécutif et législatif. Les membres du Département de la Justice du Sénat constituèrent toutefois l’élite de la magistrature finlandaise et plusieurs d’entre eux occupèrent des chaires de professeur d’université à un moment de leur carrière. Les sénateurs n’étaient pas inamovibles, ils avaient des mandats de trois ans dépendant du bon plaisir du tsar et représentaient le pouvoir judiciaire de l’Empereur. Dans la pratique, la dépendance au tsar n’affectait pas leur position, sauf pendant les périodes de répression (1899 à 1905, 1908 à 1917), lorsque la composition du Département de la Justice fut sujet à des interventions pour des raisons politiques.

Après l’indépendance de le Finlande, la Forme du gouvernement de 1918 reposait sur le principe de la séparation des pouvoirs. La Cour suprême devint un tribunal indépendant et ses juges inamovibles. La Cour suprême devint la plus haute juridiction de l’État en matière civile et pénale.

Le statut constitutionnel de la Cour suprême n’a pas changé depuis 1918. Cependant d’importantes réformes ont eu lieu et le contexte social et politique de la Cour a subi de nombreux bouleversements. Dans les années trente, la plupart des dossiers traitaient de litiges consécutifs à des ventes aux enchères forcées et les saisies dues à la dépression. Et dans les années soixante, forte période d’embellie du bâtiment, on a vu apparaître les litiges relatifs à la construction à la suite de la période de forte reconstruction. L’encombrement de la Cour suprême a nécessité l’installation d’un système de filtrage sous forme d’autorisations de pourvoi, ce qui a eu pour conséquence de renforcer davantage le rôle de la Cour en tant que juridiction établissant des précédents.

L’auteur, docteur en droit, est maître de conférences en histoire du droit à l’Université d’Helsinki.

1.10.2014